Katherine Longly

Artiste plasticienne - Photographe

Ateliers & stages - Médiation culturelle et projets participatifs - Formations

en

Palm Club

2011 – 2012

PALM CLUB consiste en une série d'interventions dans l'espace public via l'application d'un pochoir sur des objets abandonnés. Le motif ainsi apposé crée à la fois une généalogie des objets et un lien social symbolique entre les habitants d'un même territoire. Ce projet a remporté le prix COCOF de la Médiatine en 2012.

« (…) En plantant ses palmiers virtuels sur les encombrants et les rebuts de la société de consommation abandonnés dans l'espace public, Katherine Longly intervient de manière transgressive mais aussi citoyenne à même la trame urbaine ou plus exactement dans ses déchirures, nous encourageant à nous reconnaître acteurs de notre tissu social et donc ensemble capable de le repriser. »

Extrait du texte d'introduction du catalogue du Prix Médiatine, février 2012 Signé par Solange Wonner et Olivier Maingain

PALM CLUB est un projet d'art urbain basé sur l'application d'un même motif sur différents objets abandonnés dans la ville. Il est né du constat qu'un grand nombre d'habitants de Bruxelles – et en particulier de Saint-Gilles, ma commune, qui est le territoire de ce projet - se débarrassent des objets encombrants qui n'ont plus d'utilité pour eux simplement en les déposant à même le trottoir.

J'ai ainsi conçu un pochoir représentant un palmier dont j'appose le motif sur chaque meuble ou objet abandonné que je découvre lors de mes déplacements quotidiens dans la commune. Je me limite volontairement à une seule commune bruxelloise car ce projet ne prend de sens que dans la multiplication de ses manifestations. La couleur du palmier diffère en fonction de (celle de) l'objet ou de son environnement.

Le fait d'abandonner des objets sur le trottoir peut être vu comme une incivilité – et il s'agit malheureusement bien de cela la plupart du temps. Dans ce cas, le fait d'apposer un palmier sur ces déchets - arbre qui renvoie, par la puissance de sa symbolique, aux vacances, au soleil, et plus généralement au bien-être - et ce même s'il met en lumière le nombre important de ces dépôts clandestins, leur ôte le statut d'indésirables - certes, de manière éphémère - et les transforme en supports d'intervention artistique porteuse de sens. Cela contribue à mettre ainsi entre parenthèses, le temps d'un clin d'œil, l'absence de considération de certains pour un espace de vie que nous partageons pourtant tous. Plus fondamentalement, il suggère la possibilité pour chacun d'intervenir activement et directement en vue d'améliorer l'espace urbain qui est le nôtre.

Ce projet acquiert également une dimension engagée, lorsque ce sont les incivilités des pouvoirs publics que le palmier dénonce. Il m'est ainsi arrivé de découvrir des objets encombrants abandonnés depuis des semaines, là où des travaux publics ont été suspendus. Les incivilités ne sont pas toujours l'apanage des particuliers. Cet état de fait éveille très souvent la colère des riverains, qui voient alors le palmier comme un allié de leur grogne, une potentialité de manifester leur mécontentement de manière pragmatique et pacifique.

Mais les auteurs des dépôts clandestins ont parfois d'autres desseins, bien plus citoyens. Il s'agit pour eux d'offrir ces objets à leurs proches voisins, en toute simplicité et gratuité, à l'heure où le troc et autres échanges de services n'ont jamais connu autant de succès – crise économique et volonté de décroissance obligent. On peut y voir là une forme de recyclage au tout premier degré.

Par ailleurs, les habitants qui récupèrent ces meubles – et j'en suis – leur prêtent une vie et un cachet qu'aucun meuble suédois produit en série n'aura jamais. Le projet PALM CLUB vise ainsi également à ajouter une strate d'histoire à ces objets. Le palmier offre en effet une forme de généalogie à l'objet, une possibilité de suivre son parcours d'un propriétaire à l'autre. Le donneur ne sait pas qui sera le bénéficiaire de son objet ; mon geste rend tangible la filiation qui existe entre ces personnes. Cela contribue ainsi à créer, d'une manière symbolique, du lien social.

PALM CLUB crée aussi du lien de manière tout à fait concrète. Le fait d'apposer un palmier un peu partout dans le voisinage, en journée comme en soirée, attise la curiosité des passants et des riverains. Au premier abord, ils peuvent se montrer interloqués voire méfiants, car la bombe de peinture, évoquant le tag, est immédiatement associée à la dégradation de biens privés et publics. Mais en y regardant de plus près, les curieux se rendent rapidement comptent de la futilité apparente de mon geste, et s'en interrogent d'autant plus. Cela donne lieu à des rencontres et des débats qui n'auraient souvent pas pu survenir dans un autre cadre. CLUB fait ainsi référence à cette communauté qui partage le même espace de vie et est amené à se croiser quotidiennement.

Ce projet nous encourage également à voir la ville autrement ; déambuler au hasard des rues, sans but précis, redevient un réel plaisir. Mes trajets d'un endroit à l'autre ne sont plus purement fonctionnels, ils acquièrent une dimension ludique – pour moi comme pour les passants amusés par la multiplication des palmiers sur leur chemin. Cela change le rapport que l'on peut avoir à la ville ; elle se mue ainsi en un immense terrain de jeu, une entité bienveillante et complice.

PALM CLUB se présente donc comme un véritable discours sur la ville ; sous forme de constat d'une part, mais également porteur d'une proposition constructive. Il initie une piste à la réflexion, afin de mieux vivre sa ville, en toute convivialité, et de se la réapproprier via des gestes simples. En cela, PALM CLUB se situe à la croisée de l'art urbain et d'un certain « art social ».