Katherine Longly

Artiste plasticienne - Photographe

Ateliers & stages - Médiation culturelle et projets participatifs - Formations

en

Rotten Potato

2013 - 2015

Partant d'une interrogation toute personnelle sur le rapport que l'on entretient à l'alimentation et à son corps, Katherine Longly s'est intéressée aux concours de « plus gros mangeurs » en Belgique, en France et aux Etats-Unis, dans le but de comprendre quelle est la contrepartie qui pousse les champions à délibérément faire violence à leurs corps.

Cette série se présente sous la forme d'une installation regroupant photos, peintures sur napperons de papier, diaporama, sculpture, documents divers. Elle a remporté le prix d'art contemporain du Luxembourg Belge en 2014.

ROTTEN POTATO fait référence à un surnom dont j'ai été affligée pendant mon enfance. Je souffrais d'un excédent de poids. Pendant longtemps, j'ai gardé de la distance avec les souvenirs photographiques de cette période. Puis, j'ai entrepris de les peindre à l'huile sur des supports liés à la nourriture. Cette transposition d'un médium vers un autre m'a permis de me réapproprier ces images. C'est le point de départ de ce projet.

A la rencontre des champions

J'ai ensuite ressenti le besoin de pousser mon exploration de notre rapport à la nourriture au-delà de mon histoire personnelle. J'ai ainsi décidé d'explorer ces enjeux là où ils se manifestent de la manière la plus ostensible, caricaturée, exacerbée et décomplexée qui soit : à l'occasion des concours de « gros mangeurs ». J'ai sillonné la Belgique et le nord de la France pour photographier les champions dévorer des tartes aux cerises, du fromage de Herve, des frites, du chou cabu, de la galette au sucre ou du pâté gaumais. Avec en tête, la volonté de comprendre la contrepartie qui pousse ces hommes et ces femmes à faire violence à leurs corps.

Les préjugés à l'égard des « gros mangeurs » sont solides, pour qui n'a jamais assisté à un concours. J'ai donc également voulu leur donner directement la parole, en leur proposant de photographier, à l'aide d'un appareil photo jetable, leurs repas quotidiens pendant un mois.

Europe versus U.S.A.

En Belgique comme dans le nord de la France, la motivation des organisateurs de concours est très souvent la défense d'un patrimoine culinaire local. Ils ont souvent lieu dans le cadre de festivités villageoises, où se retrouvent, dans une atmosphère conviviale, les habitants d'une région. Les vainqueurs gagnent, au mieux, un jambon ou un dîner au restaurant.

Aux Etats-Unis, la situation est différente. Les concours sont orchestrés par de grandes enseignes de malbouffe. L'ingestion de nourriture à outrance est devenue une véritable discipline sportive, avec sa fédération, ses entraînements de haut niveau, ses contrats d'exclusivité, ses enjeux économiques majeurs. Les champions sont souvent de véritables athlètes, dont l'apparence contraste tellement avec les consommateurs visés par ces campagnes de marketing déguisées en événements populaires. Je me suis rendue au fameux Nathan's hot dog eating contest à New York afin de saisir le contraste.

Briller un jour...

Les modalités, l'ampleur et les enjeux financiers des concours organisés des deux côtés de l'Atlantique ne sont certes pas comparables. Néanmoins, certains parallèles peuvent être tracés. D'abord, on peut citer le sérieux qui entoure l'organisation de ces concours. Ensuite, la fierté qui entoure les champions. Le public les acclame, leurs concurrents les envient, leurs proches les encouragent. Les journalistes n'ont d'yeux que pour eux le temps de l'événement.

J'ai retrouvé des motivations et enjeux identitaires similaires. Qui n'a pas envie, un jour, d'être au centre des attentions ? Encore faut-il trouver la discipline dans laquelle on peut exceller.

« I don't know, it's just neat to see people believe in you, for anything, really »
Tim  Eater X Janus, champion américain, n°3 au classement de l'International Federation of Competitive Eating